Après avoir visité les montagnes du Sud-Est, Vuf s'était promené. Il avait fait un rapide arrêt à Xeros ... mais en voyant le test anti-magie obligatoire à l'entrée de la cité, le loup-garou avait vite fait demi-tour !

Se laissant guider par son odorat, Vuf finit par se retrouver sur la côte. Du haut de la falaise, le jeune homme contemplait la vue. Pour le loup-garou, c'était une véritable nouveauté !
Le souffle du vent apporta quelques embruns de l'océan sur son visage. Mais le bruit des vagues se fracassant contre la falaise le firent reculer un peu. Des oiseaux au loin plongeaient à pic dans l'océan et en ressortaient avec un poisson dans le bec.
Il croyait sentir un peu de sel dans l'air, mais il ne comprenait pas pourquoi.

Émerveillé, le loup-garou resta immobile en contemplant cette vaste étendue d'eau.
Mais un bruit lointain lui fit tourner le regard : un homme se tenait là. Et avec ses armes apparentes, il semblait plutôt dangereux.
Sur ses gardes, Vuf continua à dévisager l'inconnu, sans oser s'en approcher.

L'homme s'approcha en pointant son arme vers le bas. Certes, la posture semblait plsu amicale, mais l'arme en elle-même restait menaçante.

" Bien le bonjour jeune homme...
C'est une vue vraiment grandiose non? "

Vuf détailla encore un peu l'inconnu, puis répondit méfiant :

"Bonjour."

Son regard ne quittait pas l'arme des yeux.

"La vue est belle effectivement."

Le sourire de l'homme était-il faux ?

"Êtes-vous un brigand ?"

Il riait ? L'individu était étrange. Se moquait-il de lui ? Auquel cas, Vuf pourrait très mal le prendre.
L'humain s'appelait donc Ingwë et se disait non dangereux. Mais ce dernier point, seul le loup-garou pourrait en juger.

" Si ce n'est pas trop demandé : comment t'appelles-tu? Et que fais-tu ici plutôt que dans cette ville que tu semblais vouloir visiter plus tôt? "

Là, c'était flippant !
L'humain l'avait suivi ? Et le pire, c'est que Vuf ne s'était rendu compte de rien !

"Je m'appelle Vuf."

Pour le reste : cela ne le concernait pas. Et puis d'abord, comment être certain que ce "simple voyageur" n'était pas un anti-mage ? Comment être persuadé que Ingwë ne l'avait pas pris en filature depuis que celui-ci s'était détourné du village ?
Plus que jamais sur ses gardes, Vuf se contenta de répondre ceci :

"En quoi cela vous intéresse-t-il ?"

Vuf se détendit un peu (mais juste un tout petit peu !). Juste une question. Et Vuf n'ayant pas senti d'humains pendant son chemin vers la côte, il devait bien admettre que Ingwë n'était là que par pur hasard.

"Si ce n'est qu'une question ayant pour but de satisfaire ta curiosité ..."

Vuf hésita. Il ne pouvait décemment dire la vérité à un inconnu armé ! A moins que ...
Le loup-garou jeta un coup d'oeil vers la lance plantée au sol. Rapide comme l'éclair, il s'en empara, et la pointa vers l'inconnu ... avant de la lâcher avec un cri de douleur.

Une arme anti-magie ?!
Là, il était dans la mouise.

Affolé, le loup-garou reporta aussitôt son regard sur Ingwë.
Au moins avait-il sa réponse maintenant ...

Prêt à se transformer à tout moment, Vuf observa chaque réaction de l'inconnu.
Et si ça n'allait pas, il devrait fuir, ses deux mains ayant été brûlées par l'arme.

" Tu es un mage? Ou une créature magique? Sacrée surprise. "

Malgré la tentative de l'homme pour paraitre sûr de lui, sa voix le trahissait. Et lorsqu'il se saisit de ses autres épées, Vuf recula d'un pas, en fronçant les sourcils. Mais avant qu'il puisse émettre un grondement, Ingwë avait posé ses armes sur le sol.

" Ah... Ne t’inquiète pas. Je ne te ferais rien... Je sais, mes armes sont anti-magies évite d'y toucher. "

Sans rire ?! Vuf n'aurait jamais remarqué s'il ne lui avait pas dit. Ses mains ne s'étaient-elles brûlées elles-mêmes après tout ?
Malgré la mauvaise humeur du loup-garou, celui-ci posa la première question (stupide) qui lui traversa la tête :

"Pourquoi vous balladez-vous avec des armes anti-magie si ce n'est pour tuer les mages ?"

Reculant d'un nouveau pas au cas où l'humain changerait d'avis, et évaluant les dégâts causés par l'arme à ses mains, Vuf attendit dans l'angoisse la plus totale.

Ce mec était vraiment spécial ! Vuf ne connaissait aucun endroit où seules des armes anti-magie existaient. A part dans les salles d'armes du palais royal.

" Tenez, enroulez vous les mains dedans ça vous fera du bien. "

Avec encore un peu de méfiance et ne lâchant toujours pas des yeux l'humain, Vuf s'empara du morceau de tissu et s'en enroula une main.

L'eau fraiche apaisait en effet les brûlures du loup. Mais ce morceau de tissu n'était pas suffisament grand pour ses deux mains. Posant ses mains l'une contre l'autre afin que toutes deux bénéficient de la fraicheur, le loup-garou s'assit.
Si Ingwë avait vraiment voulu le tuer, il aurait eu l'occasion de le faire depuis longtemps.

"D'où viens-tu ?"

Après tout, Vuf ne connaissait pas le royaume dans son intégralité, peut-être existait-il cet endroit peuplé d'armes anti-magie.

Vuf ne savait pas s'il devait être satisfait de la réponse de jeune homme ou s'il devait se sentir mal à l'aise. Les mages sont détestés là-bas.
Comment pouvait-on seulement détester quelqu'un que l'on ne connaissait pas ?! Vuf repens rapidement à Ashura. Mais là, c'était différent : elle n'avait fait aucun effort, ne l'avait jamais aidé, s'était contenté de feuler et gronder.

" Et toi, d'ou vient tu? Et par ou va tu? je suis toujours curieux de savoir ou les gens veulent aller. C'est une bonne façon de savoir quelles sont les meilleurs endroits où aller."

"Moi je viens d'un village à côté de Detlef. Mon père était l'un des mineurs."

Quant à l'endroit où il allait ... Ingwë ne risquait pas de connaitre grand chose avec lui !

"Je vais là où l'envie me prend. Je vais là où le vent me pousse. Je vais là où les gens rient. Je fuis les cités où les tests anti-magie sont obligatoires. Alors je me contente de vagabonder au gré de mon humeur."

Le loup-garou regarda la mer, son immensité. Il savoura une nouvelle fois l'odeur de sel et les embruns de l'océan sur son visage.

"Je n'avais jamais vu la mer."

Alors que tout semblait se dérouler pour le mieux, Vuf eut un mauvais pressentiment. Son instinct se réveilla brusquement. Le loup-garou se leva et fit demi-tour au même instant que Ingwë avait cessé de parler.
Des hommes. Aux regards peu amicaux.
Ingwë se plaça devant lui. Pourquoi ? Vuf ne comprenait pas ce geste, aussi il se déplaça sur le côté afin d'être à la même hauteur que l'humain.
Ils le voulaient. Pourquoi ? L'avaient-ils vu aux abords de la cité ? Ou passaient-ils par là lorsque Vuf s'était brûlé avec l'arme ? Non, il les aurait senti plus tôt.

" Ils ne nous feront pas de cadeaux et ne nous laisseront pas simplement partir. Je te laisse le choix entre essayer de les semer ou les abattre. "

Les yeux de Vuf s'agrandirent tout ronds.

"Je ne sais pas me battre, je n'ai jamais tué personne !" Protesta t-il.

Mais déjà, les humains s'avançaient, menaçants.
Vuf regarda l'état de ses mains. Les avoir enrouler dans ce bout de tissu leur avait fait grand bien, mais pourrait-il pour autant marcher avec ?
L'un des hommes arriva vers Ingwë et les cinq autres se rapprochèrent du loup-garou. Celui-ci lança un regard anxieux à Ingwë puis se métamorphosa.

Comparé aux loups-garous adultes, Vuf était petit. Comparé aux loups normaux, Vuf était gigantesque.

Les humains stoppèrent leur marche, stupéfaits. Rapidement ils reprirent leurs esprits, mais lorsque Vuf dénuda ses crocs et émit un grognement sourd, seul l'un de ses agresseurs avança pour tenter sa chance.
Le message qu'il tentait de passer était clair : Laissez-moi tranquille !

Mais les humains, si stupides, prirent se grondement pour une menace.
Alors, ils attaquèrent.

Alors que les humaines venaient de s'avancer, Ingwë se baissa et tua sans autre forme de cérémonie l'homme qui s'était avancé sur lui. Vuf n'eut pas le temps de réagir que déjà il en tuait un deuxième.
Les trois humains restants eurent un mouvement de recul. Cette personne n'était-elle pas humaine pourtant ? Il manipulait des armes anti-magie non ? Pourquoi se rangeait-il du côté de la bête monstrueuse qu'était le loup-garou ?

L'un des hommes se reprit rapidement et fonça sur Vuf. Celui-ci ne se sentait vraiment pas à son aise, il n'aimait pas se battre, à part pour manger ou pour défendre son butin bien sûr.

Aussi, lorsque l'humain arriva sur lui, Vuf se contenta de se coucher. Ouvrant grand la gueule, il mordit avec force le mollet de l'humain, puis se releva, lui faisant ainsi perdre l'équilibre. L'homme hurlait sa douleur, demandait à ses camarades de l'aider mais Vuf gambadait tant avec lui que toute tentative de secours était impossible. Un homme allait à gauche ? Le loup-garou partait sur la droite. On tentait de le cerner ? Il se dressait légèrement sur ses pattes arrières, faisait un bond sur le côté et repartait au trot, la jambe de sa victime toujours dans la gueule, et la victime toujours accrochée à celle-ci.

Mais avant qu'il ne s'en rende vraiment compte, les deux autres humains avaient fui, terrorisés par le "jeu" de la bête, abandonnant leur compagnon de chasse au seuil de la mort.

Vuf relâcha sa prise et se retransforma quasi-immédiatement :

"Pouah !"

Le sang humain n'était pas du tout de son goût !
Il cracha toute la salive qu'il put dans l'espoir de se débarrasser de cette odeur, mais rien à faire, elle s'accrochait !

Vuf jeta un oeil vers sa précédente proie et constata qu'elle se vidait lentement de son sang. Sans doute avait-il mordu trop fort. Il regarda également les deux autres cadavres un peu plus loin. Puis, ses yeux se posèrent sur Ingwë.
Il avait tué ces hommes sans aucune difficulté. Il n'avait pas l'air d'avoir de regrets non plus.
Alors que Vuf était encore tout tremblant d'avoir seulement mordu un homme, Ingwë parassait serein.

"Tu les as tué." Fut tout ce qu'il fut capable de dire.

Encore sous le choc, Vuf regarda les hommes étalés par terre. Le sang quittait encore leurs corps et l'odeur qu'ils dégageaient devenait insupportable. Il entendait Ingwë mais ne comprenait pas le sens de ses paroles. Le loup jeta un regard vers le dernier homme vivant. Il lui avait juste arraché la main, peut-être qu'en l'emmenant voir un guérisseur il pourrait s'en sortir.
Ingwë lui lança alors une bourse. Vuf l'attrapa dans un réflexe, mais lorsqu'il en vit le contenu, il la jeta avec un howuet de surprise et recula d'un nouveau pas.

" Une sorte de trophée qu'ils conservent, comme pour montrer leur force. Ils distinguent les meilleurs chasseurs de cette façon... avec une telle blessure il ne survivra pas. "

Le loup ne saisit pas le lien que faisait l'humain avec sa dernière phrase. Ce n'est que lorsqu'il s'approcha du survivant qu'il comprit ... et ce fut trop tard.

" Il vaudrait mieux quitter ce lieu rapidement, ils ne resteront pas sur une défaite. "

Sur ce point, Vuf était du même avis que l'humain, ils devaient fuir. Mais pas tout de suite.
Le loup-garou voulait des explications. Et tant qu'il ne serait pas satisfait, il ne partirait pas !

"Pourquoi devons-nous nous tuer les uns les autres ? Depuis quand ce cycle de haine a-t-il débuté ? Avons-nous une espoir de vivre une trève un jour ? Humains et mages pourraient bien cohabiter, non ?"