Quête : Un être magique doit prévenir votre personnage de son avenir, et les dires se réaliseront.
Mots à placer : Grigne, Haret, Vacuité
Rhys porta la plume près de sa joue, la tête légèrement inclinée, il suivait la direction que devrait prendre sa flèche pour fendre les arbres et atteindre le fruit si succulent qui pendouillait dans les branches tout en haut.
Il tendit la corde et visa.
Jamais l’elfe n’avait eu l’occasion de croiser la route d’un pommier aussi élevé et la hauteur des branches lui interdisaient de seulement rêver d’y grimper. Elles étaient bien trop fines, trop fragiles pour supporter son poids et le jeune homme avait dû trouver une autre solution pour pouvoir s’emparer de son désir momentané. Il inspira, expira. La distance ne lui causait guère de souci, le principal problème résiderait par contre dans la trajectoire. Il lui fallait éviter chaque branche, chaque ramure et chaque brindille pour conserver un chemin qui couperait la tige de la pomme sans en abîmer sa peau. Or, au vu du fourmillement de feuilles dont disposait l’arbre, la tâche n’allait pas être des plus aisées.
Sa main se rapprocha encore un peu plus de lui, sa respiration se calma, il cessa de penser, il n’était rien, personne, et un immense sentiment de vacuité s’empara de lui. Le vide qui prenait à présent place dans son esprit lui permit alors de prendre possession de sa flèche, de n’être plus qu’un avec elle.
Il lâcha.
Le trait fusa avec une vivacité irréelle. Lancée tel un dragon en furie, elle traça une voie sans soubresaut, lisse et puissante. Elle monta, monta, monta. L’arme filait dans les airs, percutant de temps à autre quelques feuilles malheureuses, frôlait le branchage de l’arbre, mais jamais n’interrompait sa course. Le visage rivé vers le ciel, Rhys abaissa progressivement son arc, il ne pouvait plus rien faire d’autre qu’attendre le résulta, mais il approchait :
-Allez ! Souffla l’elfe entre ses dents.
Vas-y !La pointe atteignit alors son but, le temps suspendu, le garçon vit distinctement le bois fendre le bois… et la pomme commencer son inexorable chute :
-OUIIIIIIIIIIIIII ! Hurla-t-il de joie.
Les bras levé, l’arc brandit, l’elfe cria de nouveau à l’adresse du troupeau de buffle qui paissait non loin de lui et le regardait d’un air béat, en s’interrogeant probablement sur l’origine d’un tel énergumène. Mais Rhys n’avait plus guère le temps de leur expliquer.
La pomme tombait.
L’arc rangé sur son épaule, il s’élança telle une fusée vers ce qui serait le point d’arrivé du fruit. Ses pieds survolaient le sol, les herbes se courbaient un instant après son passage puis se trémoussait lentement d’indignation. Mais tant pis ! Un dernier saut faisant hurler ses muscles… et Rhys rattrapa la pomme quelques centimètres avant qu’elle ne s’écrase par terre. Un dernier roulé-boulé, et l’elfe finit sa course trépidante sur les genoux, le poing lever dans un signe victorieux :
-JE L’AI !
Le fruit couleur sang dans sa main, le garçon reposa ses fesses sur ses talons en la contemplant.
Parfaite. Juste, parfaite.
MOUAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !!!!!!
Euh… What ?
Surpris par un boucan aussi subit qu’infernal, Rhys tourna la tête vers le troupeau qui s’agitait peu à peu. Il fronça les sourcils… et son sourire disparut. Quelle probabilité y avait-il que sa flèche lancée dans le but de décrocher une pomme finisse dans la croupe d’un buffle ? Presque aucune me direz-vous, mais il faut croire que monsieur elfe n’aime pas écouter les pourcentages. Les bêtes épaisses – progressivement contaminées par la folie du blessé- se mettaient en branle.
Euh…
Encore à quatre pattes sur le sol, l’elfe vit peu à peu les vaches sauvages foncées droit sur lui.
Euh…
Le cerveau du vagabond se remit brusquement en branle. COURS !
D’un bond Rhys fut sur ses pieds et entama une course qui lui sauverait probablement (comme tant de fois d’autres) la vie :
-PARDON ! PARDON ! PARDON ! JE SUIS DESOLE !Il était surprenant de constater à quel point ces aussi gros animaux pouvaient galoper aussi vite. Pendant ce temps là, nulle branche ne s’offrait à lui. Quantité d’arbres se dressaient à ses côtés, mais aucun ne lui offrait la possibilité de se surélever pour laisser passer la horde. Il était pourtant dans une forêt que diable ! Et il ne pouvait même pas faire un peu d’escalade ! Cependant, si les troncs continuaient de proliférés… la terre semblait s’arrêter nette.
Un ravin ?
Rhys n’eu guère le temps de se poser la question. Il voulu freiner, déraper tout du moins pour échapper à la chute, mais la malchance semblait décidemment être copine avec lui aujourd’hui et son pied se glissa sous une racine. Autant dire que la chute fut prodigieuse ! Un vrai petit boulet de canon qui exerça un joli vol plané… pour atterrir deux mètres plus bas. Le choc du contact terrestre lui coupa le souffle, avant de sentir qu’il continuait sa descente en roulé-boulé- galipette- salto et tout ce qui va avec. Ainsi, si le contrebas n’était guère impressionnant, la terre amorçait une sérieuse pente qui transformait Rhys en jolie poupée de chiffon (rajoutant au passage encore plus de feuilles et de brindilles dans ses cheveux emmêlés). C’est donc dans une succession de « Aïe ! », « Ouille ! » et autre que l’elfe se sentit percuter quelque chose de moue… puis complètement saucissonné. Un fracas monstre accompagna d’ailleurs le tout, mais cela eut au moins l’avantage de faire cesser sa cavalcade.
L’elfe poussa un soupir de soulagement. La hauteur du pseudo fossé avait au moins eut le mérite de détourner de lui les buffles paniqués, et il n’avait pas l‘air de s’être grièvement blessé durant la chute. Mais euh… attend. Pourquoi ne pouvait-il plus esquisser le moindre geste dans ce cas ? Etait-il finalement mort et atterrit en enfer – condamnée à l’immobilité- pour toutes ses bêtises passées ?
-PROMIS JE VAIS ME CALMER ! Hurla-t-il. Mais me laissez pas comme ça !
L’idée de se sentir totalement ridicule à crier des excuses farfelues ne l’effleura pas. On parlait de Rhys après tout. Toujours est-il que les voix supérieures semblèrent l’avoir entendue et une masse informe se mit à bouger sous le tissu. Contraint à regarder, l’elfe n’en menait subitement pas large. Surgit alors de l’épaisse tenture une dame. Une dame encore plus hirsute que lui, les traits tirés, fatigués et les yeux noirs. Sa chevelure éparasse dissimula un instant son visage… et quand celui-ci apparut finalement, le jeune homme aurait préféré ne jamais le voir. Un nez de faucon, doublé des lèvres tordues lui faisait face. Un portrait auquel Rhys aurait dû ressembler si ce dernier n’était pas né elfe. Il déglutit d’ailleurs difficilement, soudainement conscient qu’il n’était pas mort, mais ligoté dans une immense étoffe qui avait naguère dû être le toit de la … sorcière ?
-Euh… bonjour, tenta-t-il malgré tout,
Je … je suis désolé d’avoir tout cassé. Je… tu pourrais m’aider à sortir s’il te plait ?Etre gentil, aimable et peut-être que la vieille femme ne le mangerait pas. Une idée difficile à croire quant on l’observait. Elle ne desserra d’ailleurs pas la bouche, se contentant de le fixer d’un air maussade :
-Tu me comp…Aïe !La mégère venait de lui assener sur le haut du crâne un formidable coup de bâton ramassé auprès d’elle :
-Tais-toi porte malheur.-Je ne m’appelle pas comme Aïa ! N’ayant d’autre choix que celui de courber la tête, Rhys enfouit son nez dans la terre pour échapper au coup. Au moins avait-il comprit qu’il lui fallait se taire… Son torse se soulevait encore par saccade, récupérant progressivement de sa course impromptue. Le souffle fort, des petits grains de poussières de soulevaient sous ses narines. Les coups avaient cessé et Rhys releva la tête.
La mégère se tenait devant lui, enfin se tenait… elle s’était accroupis et jaugeait le saucisson vivant qui venait de fracasser son campement. Si son physique lui avait fait peur, l’elfe remarqua toutefois que la dame était plutôt petite, fine, mais recouvert d’un monticule de vêtements sales et des cheveux version afro qui la grossissaient étrangement. Rhys ouvrit la bouche, puis la referma avant de recevoir un autre coup. D’accord, il fallait attendre qu’elle parle. Elle plissa les yeux :
-La nature ne t’aidera pas, ton identité révélée, maudis tu as été.Elle secoua la tête, comme tristement déçu de ce qu’elle avait vu :
-Un caractère trop impétueux te dirige, pars, pars et ne te mêle pas à la magie car tu es déjà condamné.Hein ?
Rhys la regarda sans comprendre :
-Mais je veux pas mourir. Répliqua-t-il de vive voix.
Il se mordit la lèvre, mais ne se prit pourtant aucun bâton en pleine figure. Ainsi donc il pouvait parler ? Cette pensée laissa alors libre flot à ses questions :
-T’es qui ? Pourquoi tu dis ça ? C’est pas gentil ! Qui m’a maudit ? Pourquoi ? J’ai rien fait ! Je m’en débarrasse comment ? Aïe !
C’était peut-être trop rapide ? La voyante se redressa, esquissa quelques pas fatigués sur le côté et se pencha sans répondre aux interrogations du vagabond :
-Hé ! NON ! C’EST A MOI !Mais peine perdue, la sorcière prit dans sa main le fruit cause de tout et croqua avidement. Une goutte du jus roula sur sa joue et elle ferma les yeux un instant. Rien qu’à voir son expression de ravissement, l’elfe devina à quel point il devait être succulent. L’ignorant toujours superbement, la vieille femme lança brusquement sa main tenant le bâton en arrière et Rhys se sentit soulevé, tourné en tous sens et atterrit lourdement sur le sol :
-Ourf !
Le tissu de la tente s’était arrogé le droit de vie et venait de se débarrasser de cet encombrant personnage d’un geste agacé. La sorcière, quant à elle, ne bougea toujours pas, se contentant de savourer sa pomme :
-Tu n’as qu’une seule solution pour t’en défaire… suis le chat.Le garçon était de plus en plus perdu, que se passait-il au juste ?! Au moins avait-il de la chance dans son malheur, il ne devait-il pas pister des araignées… Il soupira, alla reprendre la parole, mais se vit rapidement coupé par son interlocutrice :
-Pars maintenant ! Va-t-en !Et se disant, la tenture brandit ses coins d’une manière trop menaçante pour que l’elfe s’y frotte. Il vérifia qu’il disposait de tout son attirail habituel et tourna les talons sans demander son reste. Etait-elle devenue folle à vivre ainsi seule ? Etait-ce son choix ? Elle avait l’air plutôt puissante en plus…
Il haussa les épaules, bah tant pis ! De toute façon il n’avait rien compris à leur échange !
Le reste de la journée se passa sans embrouille, mangeant se qu’il cueillit (bizarrement pas grand-chose), et continuant sa route. L’elfe laissa alors ses pieds le porter, espérant que ces derniers le conduiraient dans une région plus affluente, mais ce ne fut pas le cas. Il était pourtant dans une zone prospère, pourquoi la nature refusait-elle ainsi de lui offrir ses dons habituels ?
Bah, la zone ne s’y prêtait peut-être pas. Peu soucieux de sa rencontre précédente, l’elfe poursuivit son voyage en oubliant presque ce qui s’était passé. Les jours s’écoulèrent, Rhys finit par ressentir une faim tiraillante. Il ne comprenait pas, il ne comprenait plus. La partie dans laquelle il évoluait semblait pourtant riche, disposée à la plantation, sinon à l’évolution de quelques fruits. Mais rien, il n’y avait rien, pas même des mûres ou des fruits de bois, pas de feuilles à mâcher en cas de désespoir. Le ventre vide, le garçon cherchait donc toujours de quoi manger. La nature ne l’aidait plus, ou du moins ne le fournissait plus et le vagabond allait se retrouver en situations précaires : aller en ville pour survivre. Il n’était plus question d’y aller par plaisir ou curiosité… Ignorant les paroles de la vieille qui lui revenaient subitement en tête, Rhys reprit sa route en direction du prochain campement humain, peu importe sa taille, il avait besoin de ses proches congénères.
Enfin ! Un sourire soulagé apparut sur sa bouche lorsqu’il perçut à l’horizon un petit hameau tranquille. De douces fumée s’élevaient de certaines cheminées – preuve de leur occupation – et mettait l’eau à la bouche de l’elfe. Il était épuisé, il n’en pouvait plus, il voyait là son salut ! Et surtout de la nourriture !
Fatigué, exténué, il se dirigea vers les petites maisons dans l’espoir d’y découvrir de sympathiques habitants qui le prendraient en compassion. Il lui parut pourtant qu’une éternité s’écoula avant qu’il n’atteigne la première maison, il faut dire qu’il lui manquait quelques forces pour courir comme à son habitude…
Il hésitât un moment, puis décida de s’enfoncer un peu plus dans le bourg afin d’y trouver quelques personnes déjà de sortie. Des individus qu’il ne tarda pas à trouver … et qui le regardèrent d’un drôle d’œil. Il faut dire que l’énergumène était plutôt inhabituel avec ses cheveux emmêlés, ses feuilles et morceaux de terre collés à même ses vêtements et sa peau, ainsi que son visage tiré par la fatigue dû à la faim. Un état lamentable qui le transformait immédiatement en vulgaire clochard en phase terminale. Relevant la tête, il constata que les gens aux alentours étaient prêt à reculer, voir fuir sa présence à tout moment, à moins que ce ne soit le chasser à coups de bâtons :
-A manger, de l’eau… s’il vous plait.Il n’avait plus qu’à attendre la bonté d’autrui… et il pouvait attendre longtemps. Le petit village était visiblement guère d’humeur au partage et une fois la menace à peu près comprise, les habitants passèrent leur chemin. La force manquait à Rhys pour crier son mécontentement de tant d’hypocrisie, il l’avait demandé gentiment non ? Cherchant à reprendre un peu de force, le garçon s’adossa au premier mur venu et se reposa tranquillement. Pfiou ! Quelle vie ! A présent devenu invisible aux yeux des gens, le vagabond prit le temps d’observer ce qu’il voyait. Le hameau dans lequel il venait d’atterrir n’était finalement pas si petit que cela et les habitants vivaient leur vie de labeur sans paraitre se plaindre. Certains poussaient de lourdes charrettes remplies de façon diverses selon le métier, d’autres arpentaient la rue d’un air soucieux ou pressé, mais aucun ne lui jetait le moindre coup d’œil, comme si l’ignorer allait le faire disparaitre. Le temps passa ainsi, tranquillement lentement, jusqu’à ce qu’un fait un peu moins plaisant que les autres attire son attention.
Tout ceci commença par un bruit un peu plus marquant que les autres, qui enjoignit plusieurs paysans de passage à se tourner vers son origine, et comme Rhys est quelqu’un de très original : il fit de même. Et enfin il le vit. Un étalon – sans l’ombre d’un doute – ‘un noir sombre, au moins autant que la colère qui semblait l’animer. Il ruait, se cabrait, cherchait à mordre quiconque s’approchait trop de lui. De nombreuses cordes l’enserraient sans douceur, lui mordait la peau en s’enfonçant dans son cuir, lui laissant là de profonde entaille sanglante. Une bête magnifique que l’on venait de ravir à la nature. Une bête sublime que l’on maltraitait à l’aide de fouet et d’entraves.
Rhys fronça les sourcils, une irritation sourde naissant au cœur de sa poitrine. Les salauds ! Instinctivement, il se leva. Instinctivement il se dirigea vers eux. Un tel animal ne méritait pas l’esclavagisme imposé par l’homme. Il n’avait droit qu’à la liberté ! Un hennissement strident résonna dans tout le village, l’étalon se cabra violemment, s’emmêla dans une corde et chuta brusquement à terre. A côté de lui les cavaliers qui l’entouraient pour le maintenir à distance raisonnable les uns des autres continuèrent de tirer. Il était d’ailleurs aisé de deviner que les « chasseurs de chevaux » n’étaient pas loin de regretter leur geste et que seul l’appât du gain les empêchait encore de le relâcher sur l’instant. Finalement l’un des cavaliers contraignit sa monture à reculer vivement, ce qui enfonça encore plus le lien dans la peau du cheval à terre. Rhys n’hésitât plus. D’un geste il plaça son arc dans sa main, et banda une flèche en direction de l'homme.
Un bruit mat, et la flèche fusa dans sa direction, il émit un gargouillis de respiration coupée, puis s'effondra au sol telle une poupée de chiffon. Il y eut un moment de flottement, l'étalon lui-même parut ne pas comprendre cette soudaine liberté autorisée de ce côté-ci. Puis quelques cris fusèrent: de la peur, de la surprise, de la colère. Les regards convergèrent peu à peu vers le coupable qui commençait déjà à viser sa prochaine victime. Elle s’effondra dans l’instant et les gens eurent le premier réflexe de fuir, se mettre à l’abri. Un répit dont Rhys profita pour rejoindre l’animal ligoté au sol, tellement enserré qu’il se retrouvait dans l’incapacité de se relever. Son œil virait au blanc fou, l’écume tâchait la noirceur de son pelage et ses pattes cherchaient en vain un appui ou un ennemi à fracasser. C’est là que l’elfe mit ses talents à l’œuvre. Il lui murmura à l’oreille, posa une main sur l’encolure trempée et l’apaisa à son rythme. Peu à peu le souffle de l’étalon se calma et le jeune homme put délier les codes qui l’entravaient, mais à peine terminait-il sa tâche qu’un cri retentit derrière lui :
-UN ELFE ! A MORT !Merde… En même temps tout cela était d’une évidence rare. Une excellente maitrise de l’arc, le don de calmer un animal fou… Rhys se releva d’un mouvement brusque, donna une grosse claque sur la croupe du cheval qui se dressa sur ses membres et parti dans un furieux galop sans demander son reste. Au moins était-il libre.
Il se retrouva seul. Seul entouré de regard hargneux qui commençaient peu à peu à se rapprocher. Il n’allait tout de même pas tuer tout ces gens ? Tournant les talons, l’elfe se glissa entre les maisons, courra, chercha à semer ses poursuivants. Son ventre criait famine, il ne tiendrait plus très longtemps et il était donc hors de question de partir en forêt puisqu’il serait traqué sans relâche, sans compter que la nature ne semblait pas vouloir l’aider … Rhys se choqua lui-même. Ne pas l’aider ? N’était-ce pas là les paroles de la vieillie ? Ne lui avait-elle pas prédit qu’il serait démasqué ? Aïe ! Ça craignait !
Se faufilant dans les ruelles de-ci de-là il réussit malgré tout à les semer en se planquant derrière quelques gros sacs abandonnés. Il perçut des clameurs au loin, des pas précipités qui le cherchaient, puis plus rien. Rhys souffla, reposa sa tête contre le mur et souffla un peu. Seule la forme mouvante sous la toile de jute posée près de lui attira son attention. Les sourcils levés, il vit des petites oreilles pointues surgir de sa cachette, des moustaches excessivement grandes, un poil gras et aussi ébouriffés que les cheveux de l’elfe. Le haret regarda le garçon avec toute l’arrogance qui caractérisait les chats, feula dans sa direction et parti d’un pas nonchalant.
Euh…
Rhys haussa les épaules, au point où il en était… Il regroupa ses dernières forces et se leva pour suivre le drôle d’animal. Par chance le petit peuple était parti en vadrouille un peu plus loin et s’était magnifiquement trompé pour le trouver, lui laissant tout le loisir d’errer dans les rues. Il n’eut pourtant pas à parcourir une grande distance. Au contraire, le chat bifurqua deux à trois fois et s’enfonça dans un petit trou presque invisible, menant droit dans une habitation. Le vagabond réfléchit un instant, puis contourna le mur pour pousser la porte du bâtiment. Aussitôt une chaude odeur de pain l’enveloppa et son estomac émit les plus grosses grenouilles qu’il fut donner d’entendre. Jamais rien ne lui avait parut si alléchant :
-Ya quelqu’un ? Demanda-t-il finalement.
Parce qu’au pire il pouvait chiper un morceau et partir discrètement. Mais il n’avait toujours pas retrouvé le haret et il s’infiltra dans l’arrière boutique. Le fumet y était encore plus alléchant :
-Te voila de retour maudis ?Rhys sursauta ? Que ? La vieille ?! Il ouvrit des yeux ronds, n’osant proférer un mot ; tenaillé par le souvenir des coups qu’il s’était reçu :
-Tu as donc définitivement perdu ta langue ?
-Non. Mais je ne comprends pas.La femme au visage tordu eut un sourire qui lui donna une apparence encore plus affreuse :
-On ne s’attaque pas à mon campement sans conséquence jeune homme.
-Mais…-Et tu méritais un châtiment, coupa-t-elle impérieusement en levant la main.
As-tu compris la leçon?Ledit fronça les sourcils, mais devina qu’il n’était autorisé à proférer qu’une seule réponse :
-Oui madame…-Bien. Tu dois être affamé, mange donc quelque chose.Il baissa les yeux… et le vit. Un pain, un pain banal, de taille banale et doré des plus banals. Mon dieu qu’il avait l’air bon. Il prit le temps de l’observer tout en s’en emparant. Un joli bronzage qui faisait ressortir ses grignes claires, une peau croustillantes à souhait et quand il croqua… sa mie était succulente. Il ferma les yeux et savoura :
-Et ma malédiction ? S’exclama-t-il subitement.
-Je vais y travailler. Répondit-elle avec un sourire mystérieux tandis que l’elfe engloutissait ses bouchées...
HJ/ Pfiou! Fini!